En programmant « L’affaire
Dominici », une production Gaumont télévision, téléfilm en
deux parties réalisé par Pierre Boutron, TF1 relance
l’affaire en question. La chaîne le revendique d’ailleurs,
elle veut susciter le débat, et se verrait même bien
programmer ce genre de chose sur son antenne… Ayant vu le
premier épisode, diffusé hier soir, je dois dire que lorsque
l’écran s’est éteint, dans ma tête la question se posait
déjà depuis un bon moment : « Gaston Dominici est-il
coupable ? ». Michel Serraut qui joue pour le film l’accusé,
l’a joué innocent. Basée sur le livre de William Reymond,
jeune journaliste qui a œuvré pour réunir les preuves
nécessaire à la réouverture du dossier, la réalisation tout
en mettant le doute s’appuie sur un scénario qui considère
Gaston Dominici comme innocent et propose une autre piste.
Un parti pris volontaire afin de remettre en question la
thèse de la justice et de la police, ces deux institutions
reconnaissant d’ailleurs un certain nombre d’erreurs dans ce
dossier.
J’ai rédigé ces pages car je me
suis pris de passion pour le sujet. Il y a dans cette
affaire beaucoup d’éléments fascinants, l’époque par exemple
est une période de l’histoire française qui m’a toujours
passionné, celle des années 1950, de l’après-guerre, de la
fin de la reconstruction, du début du développement du pays.
Archaïsme et modernité se côtoient, la guerre de 39-45 est
encore dans toutes les mémoires. Les cicatrices sont encore
mal refermées dans la population, entre résistants,
collaborateurs à l’occupation, profiteurs de guerre… La
France est encore à la tête d’un grand Empire. Les guerres
de décolonisation débutent seulement. Les institutions sont
encore celles de la IVe République.
N’ayant pas trouvé de synthèse
sur l’affaire, j’ai essayé ci-dessous d’en faire un tour
rapide, mais tout en étant assez complet. Peut-être ai-je
oublié des détails, n’hésitez pas à utiliser les commentaire
pour compléter mes lignes. Ni à débattre sur l’ensemble de
l’affaire. A la fin de la page vous trouverez des liens pour
accéder à plus d’éléments pour vous forger votre opinion.
Pour quoi a-t-il été condamné ?
Gaston Dominici, septuagénaire,
a été condamné pour le triple meurtre de Lurs (près de
Digne, Basses Alpes, aujourd’hui Alpes-de-Haute-Provence),
meurtre d’un couple d’Anglais, les Drummond, et de leur
fillette. L’homme et la femme sont mort de trois balles
chacun, et leur enfant de deux coup de crosse sur le crâne.
A l’époque l’affaire a fait grand bruit et a divisé la
France en deux. D’un côté ceux qui pensaient le vieux berger
coupable. De l’autre ceux qui le voyait innocent et victime
d’une erreur judiciaire ou de l’acharnement policier.
La polémique fut telle,
qu’après la condamnation à mort de Gaston Dominici, chose
rarissime une seconde enquête fut ouverte à la demande des
avocats de Gaston Dominici, celle-ci visant à établir si le
condamné n’était pas innocent, ou s’il n’avait pas eu des
complices. De forts soupçons se portaient en effet sur son
fils Gustave. Gaston Dominici laissant entendre qu’en tant
que patriarche de la famille il avait pris la responsabilité
sur lui pour épargner sa famille. Gustave et Clovis, ses
deux fils, étaient pour leur part les principaux accusateurs
de Gaston Dominici, et ce fut sur leurs accusations que le
vieux paysans fut condamné à mort. Toutefois la seconde
enquête ne réussit pas innocenter Gaston Dominici, ni à
prouver la culpabilité de Gustave Dominici malgré de fort
soupçons de complicité.
En 1960 le Général de Gaulle
gracia le vieil éleveur de chèvre, mais depuis Yvette sa
belle fille, puis Alain son petit-fils (fils d’Yvette et
Gustave) ne cesse de réclamer la réouverture du procès pour
prouver l’innocence de l’ancien. Maître Gilbert Collard,
célèbre avocat est en charge d’obtenir la réouverture du
dossier.
La version des faits qui a
condamné Gaston Dominici
Dans la nuit du 4 au 5 août
1952, des campeurs anglais, un couple et leur fillette,
campent près de leur voiture, une Hillman. Ils sont à 150
mètres environ de la ferme de la Grand-Terre, le domaine de
Gaston Dominici. Drummond, le père de la famille est un
savant nutritionniste célèbre. Il a inventé le lait en
poudre qui fut si précieux durant la guerre, notamment pour
les troupes. Gaston Dominici n’apprécierait pas ces
envahisseurs sur ces terres.
Dans sa première reconnaissance
de culpabilité, Gaston Dominici dit s’être rendu au
campement et avoir observé l’épouse anglaise, Lady Ann alors
qu’elle était en train de se dévêtir. Pas farouche, mais
également séduite par le vieille homme, elle se serait
laissée caressée tandis que son époux dormait non loin. De
caresses en caresses, la femme aurait voulu des rapports
sexuels avec Gaston Dominici, ce qui dit-il se fit.
Seulement le mari s’éveilla et se rua sur le vieil homme.
Dans cette version Gaston Dominici revient au campement et
tue tout le monde. On comprend évidemment que les enquêteurs
aient eu du mal à avaler cela. Qu’il tue l’homme passe
encore, mais pourquoi toute la famille dans ce cas ? Pour
masquer son crime ? Difficile d’y croire. Le vieil homme ne
tardera pas à revenir sur cette déposition, plus tard il
reconnaît seul le crime, il tue deux adultes et un enfant
pour la simple raison qu’ils seraient sur ses terres. Avec
son arme il tire trois coups sur l’homme, trois sur la
femme, comme il n’a plus de munitions il tue la fillette à
coup de crosse, assez loin du campement, celle-ci a essayé
de s’enfuir en direction opposée. Logique répondent les
enquêteurs, la fillette connaissait l’assassin. S’il n’avait
pas été un membre de la famille Dominici, elle serait allée
se réfugier vers la ferme.
La thèse tient debout. En outre
Gaston Dominici reconnaît sa culpabilité, même s’il n’aura
de cesse par ailleurs de crier à son innocence et de
renvoyer la balle à ses fils. Les fils, eux, soutiennent que
le vieillard leur a dit être le responsable. Si Gustave
craque parfois et revient sur ses propos, Clovis lui ne
changera jamais de version, et Gustave finit toujours par
revenir à la culpabilité de son père. Gaston quand à lui
réussit à faire ouvrir une seconde enquête en disant qu’il a
entendu son fils la nuit du meurtre parler avec Yvette, la
femme de Gustave, et que ce dernier aurait reconnu avoir tué
les Anglais. La seconde enquête révèle que de sa chambre,
contrairement à ses dire, Gaston n’aurait rien pu entendre à
moins que Gustave ne l’ai crié, ce qui semble fort peu
probable.
Mieux la seconde enquête
accable un peu plus la famille Dominici. En réinterrogant
les témoins, il apparaît que la première enquête a omis des
détails importants. Notamment que lorsque la police s’est
rendue sur les lieux du crime, plusieurs personnes ont vu un
pantalon sécher sur un fil à linge. Certains en ont vu un
second sécher à la fenêtre de Gaston Dominici. Récemment
lavés apparemment, ils étaient encore humide, laissant
supposer aux enquêteurs que sans doute tâchés de sang ils
auraient été lavés immédiatement après le crime. L’élément
est en effet troublant. Gaston Dominici, avait pour habitude
de faire laver et repasser son linge en ville, chez sa
fille. Le second pantalon, dans l’hypothèse où il y en a
bien eu un second, laisserait lui supposer que Gustave
aurait pu participer au meurtre.
Pourquoi tant de doute sur la
culpabilité alors ?
D’une part si on veut prendre
le détail du pantalon, on serrait tenté de dire qu’il y a
tout de même une part de mystère. En effet, comment imaginer
qu’un assassin, voir deux, puissent tuer à 150 mètres de
chez eux, rentrer, laver leur pantalon, le mettre à sécher,
et tout cela sans supposer à un seul instant que cela risque
de les rendre coupable aux yeux des enquêteur ?. Certes la
police n’y a pas songé tout de suite. Contrairement à ce que
dit le film de TF1, le commissaire Sébeille, en charge de
l’enquête, n’a pas tout de suite soupçonné les Dominici.
Cela lui semblait trop gros. Ce ne fut que quelques jours
après qu’il porta ses soupçons sur les Dominici. Entre temps
les pantalons n’étaient bien sûr plus là, et il était trop
tard pour trouver dessus des résidus de sangs restés dans la
toile malgré leur lessive. Et donc aussi trop tard pour
vérifier le groupe sanguin.
Mais il existe d’autres motifs
de douter de la culpabilité des Dominici. En effet, même
vieux, et éventuellement acariâtre, lorsqu’on doit se lever
aux aurores sort-on de chez soit à une heure du matin pour
déloger de ses terrains des campeurs anglais ? Enfin, si on
est armé, ne peut-on pas plutôt les menacer de partir ? Il
est donc troublant d’imaginer ce vieux monsieur à ce point
obtus qu’il se serrait relevé la nuit et serait allé tué un
couple de telle manière, et une fillette avec une telle
sauvagerie. En France on se divise sur les éléments de
l’enquête, mais sur cela aussi. En résumé, les journalistes,
qui influent encore plus qu’aujourd’hui sur l’opinion, sont
eux même divisés. A Paris les journalistes et les
intellectuels verront en Gaston Dominici et sa famille des
victimes de l’enquête ainsi eu de l’empressement de la
justice. Dans le Sud on doutera beaucoup moins de leur
innocence.
Dans une des thèse qui
innocente la famille à l’époque, on met en doute les
méthodes du commissaire Sébeille, pourtant réputé bon
policier à Marseille. Il aurait manipulé les témoins, poussé
les gens à se reprocher somme de choses, agi par
interrogatoire, avec fermeté et pressions pour obtenir des
révélations puis des aveux. Bref, il aurait agi comme le
fait n’importe quel policier, sachant que dans ce genre
d’enquête ce n’est pas avec des sourires qu’un policier peut
apprendre grand-chose. Surtout quand tout le monde se tient
par des secrets concernant les autres. Sébeille a par cette
méthode obtenu des aveux, Gaston Dominici s’est lui-même
reconnu comme le meurtrier. Pourtant une autre version du
rôle des Dominici trouve écho chez beaucoup de monde.
Dans cette version des inconnus
auraient tués les Drummond. Gustave Dominici le prétend
évidemment au début. Comme sa famille il entend quatre à
cinq coups de feu. Il est réveillé par cela, ou par sa
femme, Yvette, qui donne le biberon à leur enfant. De ce
côté-là dans ce que j’ai pu trouver ce n’est pas très clair.
Seulement lorsque Yvette est interrogée, elle dit ne pas
avoir donné le biberon vers une heure du matin, mais à une
autre heure. Gustave Dominici a donc bien été réveillé par
les coups de feu. Mais dans sa déclaration il dit s’être
ensuite rendormi. Evidemment pour les enquêteurs cela paraît
louche. Comment en effet ne pas aller voir dans ce cas ce
qui se passe ? Cela se passe chez lui tout de même ! En
outre n’est-ce pas du devoir de tout citoyen ? Dans une
version qui innocenterait les Dominici, Gustave serait allé
voir, beaucoup plus courageux que beaucoup ne le supposent
alors. Devant le corps des deux adultes Gustave aurait alors
agi en homme de la terre et sa première réaction aurait été
de couvrir de couverture les corps etc… Puisqu’il semble en
effet qu’après leur assassinat le couple ai été déplacé.
Gustave après cela aurait trouvé plus loin le corps de la
fillette. On a dit au début de l’enquête qu’il avait vu le
bras de la jeune enfant bouger. Il l’a dit à des amis qui
l’ont dit aux enquêteurs. Dans ce qu’il a dit à ses amis, il
a vu son bras bouger, mais ce ne serait pas avant cinq heure
du matin, heure où il est parti travailler. Or tout démontre
qu’à cette heure la fillette était déjà morte et n’a pas pu
par conséquent bouger son bras. D’où l’hypothèse que Gustave
a bien vu le bras bouger, mais vers une heure du matin,
lorsqu’il est venu tout de suite après les coups de feu. Il
aurait donc recouvert les corps des deux adultes, puis pris
de panique par le bras de la fillette serait parti effrayé.
Il aurait alors perdu tous ses moyens, craint qu’ayant
touché les corps il ne soit suspecté, il serait rentré chez
lui complètement hystérique. Problème de cette version, il
ne l’a jamais donnée aux enquêteurs, préférant si elle était
vraie, ne jamais dire la vérité, même après que son père ai
été condamné. Sa femme également n’a jamais fait mention de
telles choses, or on peut supposer qu’il n’a pas pu quitter
leur chambre sans qu’elle ne l’entende, surtout à l’heure
des coups de feu, et en outre que s’il était revenu
complètement paniqué elle l’aurait sûrement remarqué.
Pourtant les enquêteurs se sont
penchés sur cette version de l’emploi du temps de Gustave,
mais ils ont conclu que s’il ne leur révélait pas, cela
signifiait qu’il couvrait quelqu’un, qu’il connaissait donc
l’assassin. Et donc que celui-ci ne pouvait être que son
père. Des défenseurs des Dominici ont trouvé la réponse à
cela : s’il ne l’a jamais révélé, c’est que Gustave
soupçonnait son père, mais que cela ne signifiait pas pour
autant qu’il était l’auteur du crime. Mais Gustave avait une
piètre image de son père, et le meurtre ayant lieux près de
chez lui il n’imagina pas que l’assassin put être quelqu’un
d’autre que son père. A partir de là il couvrit son père,
puis sous la pression du commissaire Sébeille finit par le
dénoncer. Cela implique donc que le fils ne plaçait pas une
grande estime en son père, or rien avant le drame n’a semblé
prouver que Gustave s’entendait aussi mal que cela avec son
père.
Si Gaston Dominici est
innocent, et son fils également, qui sont les assassins ?
Willima Reymond dans son livre,
et le film le laisse supposer aussi (en attente de voir le
second épisode) parle d’une sorte de complot. Selon
l’auteur, Drummond n’était pas que nutritionniste. Il était
également agent secret pour la Grande-Breta gne. Reymond
en donne pour preuve les voyages nombreux de l’Anglais en
Europe. Il aurait même servi en Allemagne à récupérer des
scientifiques allemands avant que les soviétique ne s’en
empare. Reymond ne donne pas de preuve à cela. Du moins dans
ce que j’ai pu lire sur internet je n’ai rien trouvé. La
seule preuve qui soit donnée est l’agenda de Drummond. Mais
comme l’ont dit les détracteurs de Reymond, un scientifique
d’un tel renom dans une telle période est tout à fait à se
place dans des pays étrangers lorsqu’il va donner des
conférences en nutrition. Or jusque là il semble que ce soit
ce que Drummond faisait lors de ses voyages.
Reymond suppose en effet que
c’est en tant qu’agent secret que Jack Drummond et sa
famille ont été assassinés. Il utilise pour cela les aveux
fait par un certain Bartkowski. Malfrat, celui-ci a été
arrêté en Allemagne peu après le meurtre des Drummond. Il
affirme plusieurs mois après son arrestation que dans la
nuit du 4 au 5 août il se rendait en France avec trois
complices étrangers pour attaquer une banque à Marseille.
Fraîche recrue auprès de ces malfaiteurs, ils n’allèrent
cependant pas à Marseille. Sa déposition est troublante. En
cours de route, à un endroit qui semble être près de la
ferme des Dominici, les trois étrangers demandent à
Bartkowski de s’arrêter. Ils descendent. Prennent chacun une
arme. Lui disent d’aller se dissimuler avec la voiture deux
cents mètres plus loin tout en laissant le moteur allumé.
Bartkowski pisse en les attendant, et reste près de la
voiture. Bientôt il entend quatre à cinq coups de feu, puis
des gémissements de femme ou d’enfant, puis plus rien. Un
des trois hommes revient à la voiture, prend dans celle-ci
un pull, trois ou quatre robes de femme, et repart vers le
lieu du crime pour revenir sans ces vêtements mais avec les
deux autres hommes. Bartkowski observe que l’un des hommes
n’est pas revenu avec son arme, un fusil semi-automatique de
type américain. Ils remontent tous en voiture puis font
demi-tour plus loin, craignant des barrages ils retournent
immédiatement en Allemagne. Selon Bartkowski les trois
hommes étaient commandités pour cette action par un groupe
secret soviétique établi en Allemagne. Ils auraient déjà agi
pour eux auparavant, enlevant un savant allemand pour le
remettre à la police tchèque. Ce savant fut retrouvé mort
quelques temps plus tard. Le commissaire Gillard alla
rencontrer l’homme en Allemagne en 1952. Il revint troublé.
Mais reconnut que Bartkowski avait pu connaître certains
détails par la presse, même s’il avait eu peu de temps pour
faire cela avant d’être incarcéré. En outre certains détails
n’étaient alors connus que des enquêteurs.
Pourquoi la piste Bartkowski
peut apparaître comme une supercherie ?
Dans nombre d’affaire criminel,
ont d’abord fait remarqué les enquêteurs, il n’est pas rare
que des individus prétendent ainsi être coupables.
Bartkowski n’est pas reconnu alors comme un assassin par la
justice allemande, mais comme un voleur à la tire, un
braqueur, un escroc. S’il est possible qu’il se soit accusé
d’avoir été à Lurs, peut-être est-ce pour dissimuler un
autre de ses délits aux enquêteur allemands. Toutefois
pourquoi choisit-il un crime aussi grave ? Enfin, j’ai
cherché mais je n’ai rien trouvé montrant que la police
française ait cherché à trouver et interroger les trois
autres criminels, pourtant considérés à l’époque comme
identifiables, Bartkowski donnant même plusieurs lieux où
les trouver. Est-ce donc une supercherie, ou bien l’affaire
a-t-elle été étouffée comme certaines personnes l’ont
pensé ? Si elle avait été étouffée, on peut se demander
pourquoi et par qui ? En effet, quel intérêt aurait alors eu
le France comme la Grande-Bretagne à ne pas présenter à
l’opinion l’Union Soviétique comme responsable ? Rappelons
qu’à l’époque il n’y a plus de communistes au gouvernement
français. Nous sommes entré dans la guerre froide. Le PCF
est considéré comme le parti de l’étranger. N’était-ce pas
une belle occasion de montrer le visage de l’union
soviétique si la famille Drummond avait effectivement été
assassinée par des personnes à la solde des services
soviétiques ? De toute évidence cela aurait été une belle
occasion pour les gouvernants en place de discréditer
l’URSS, surtout par une affaire qui avait eu un tel
retentissement et suscité tant d’émotion dans l’opinion.
Ensuite, second point, le commissaire Gillard, à moins qu’il
n’ait eu une double casquette, ce qu’on ne peut supposer, le
commissaire qui donc était allé en Allemagne interroger
Bartkowski, s’était clairement prononcé comme convaincu de
l’innocence de Gaston Dominici lorsque celui-ci fut
condamné. Or, dans la seconde enquête, il vint enquêter dans
la région de Lurs et de Digne. Encore convaincu de
l’innocence du vieux berger. Pourtant il a abandonné pour
cela la piste Bartkowski qu’il considère comme fausse et
affabulation. Il tentera en vain de confondre Gustave
Dominici, mais ne recueillant pas assez de preuves, et les
Dominici ne collaborant pas à prouver leur innocence, le
juge d’instruction Carias classe l’affaire sans nouvelle
mise en cause de Gustave malgré de toujours très lourds
soupçons le concernant.
A la piste du genre roman d’espionnage,
quelques autres détails démontent l’hypothèse. D’une part,
inconnus de la fillette, voir même de Lady Ann Drummond,
pourquoi les trois supposés assassins les auraient-ils tout
de même exécutées ? On ne voit pas trop l’utilité. En outre
comme on l’a déjà vu, pourquoi dans une telle hypothèse la
fillette n’a-t-elle pas cherché à trouver refuge à la ferme
des Dominici ? Enfin, le plus accablant pour Gaston Dominici
est l’arme. Retrouvée non loin du lieu du crime, celle-ci
pourrait très bien venir d’Allemagne avec les trois
assassins supposés, en effet les troupes américaines y sont
stationnées. Mais la résistance française, à laquelle
Dominici a appartenu, a eu les mêmes armes. Or celle qui est
retrouvée a la particularité d’être rafistolée. Elle l’était
d’ailleurs avant même d’être utilisée pour le triple meurtre.
Il s’agissait d’une arme réparée. Or il est peu concevable
que des criminels rodés à faire cela, venu d’Allemagne pour
une telle mission d’exécution soient équipés d’une arme en
mauvais état à une époque où s’en procurer n’est pas si
difficile. Si cela éveille des soupçons contre Dominici et
rend moins croyable la thèse des assassins venus d’Allemagne,
un autre élément reste troublant. Les trois hommes venus d’Allemagne
par la Suisse d’après la description de Bartkowski semblent
être des personnes rôdées à l’usage des armes modernes,
telle que le fusil américain semi-automatiques. Il s’agit
d’une arme qui peut, après avoir été armée pour le premier
coup, tirer encore quatorze coups sans avoir besoin d’être
réarmée. Une personne connaissant mal ce matériel, l’aurait
utilisé comme une arme non automatique et l’aurait réarmée à
chaque coup. Ce faisant, au lieu de 15 coup disponibles, en
réarmant la personne aurait à chaque fois fait sortir une
cartouche de l’arme. On a vu que la fillette n’a pas été
tuée par balle, mais par la crosse du fusil. Sept cartouches
utilisés ont été retrouvées sur le lieu du crime. Six ont
tué le couple anglais. Une a tapé le pont se trouvant près
du lieu. Sur place il a été également retrouvé des
cartouches non utilisées, et non percutées. Cela semble
indiqué que l’assassin ne savait pas se servir de l’arme.
Gustave Dominici connaissait ce type d’arme. Il n’aurait
selon les témoins de l’enquête pas réarmé entre chaque tir.
Son père par contre l’aurait fait. Son service militaire
remontant à 1898, date à laquelle ce genre d’arme n’existait
pas. Réarmant, et perdant un coup dans la nature, Gaston
Dominici s’est trouvé avec un chargeur vide et n’a alors pas
eu d’autre solution que de tuer la fillette à la crosse.
Dans l’hypothèse des assassins venus d’Allemagne, on peut
difficilement imaginer que ces habitués des coups armés ne
sachent pas utiliser leurs armes. En outre, Bratkowski dit
que les trois hommes sont descendus de la route vers le
campement avec chacun une arme. Même si une arme n’avait
plus eu de cartouche, rien ne justifiait de tuer de cette
manière la jeune fille. Il leur restait des balles dans les
autres armes.
Il faut aussi constater que des
vêtements que l’un des assassins supposés aurait laissé près
du campement, la police n’en a trouvé nulle trace.
Conclusion : c'est compliqué!
La thèse Bratkowski je l’avoue
me semble quelque peu « bien venue ». Je n’y crois pas
vraiment, mais je l’ai trouvée très troublante. Me faire une
opinion, j’en ai été bien incapable. Mais j’ai du mal à
croire que la police ai pu obtenir de Gaston Dominici des
aveux de sa culpabilité par une sorte de magouille, des
pressions sur le prévenu. Cela laisse supposer que l’assassin
se trouvait parmi les Dominici, sinon quel intérêt aurait-il
eu à se dire coupable ? Enfin la seconde enquête a été
ouverte sur demande Gaston, or il n’a eu de cesse de
trimbaler les enquêteurs, tout comme sa famille. Pourquoi
lorsque la police les interroge changent-ils à répétition
leur version des faits, alors même qu’un membre de leur
famille est dans le collimateur des enquêteurs ? Les deux
enquêtes ont duré quatre ans à elle deux. S’ils étaient
innocents, pourquoi en quatre ans n’ont-ils pas été capable
de dire la vérité si cette vérité devait les innocenter ? On
voit bien que le petit fils, Alain Dominici veut laver la
mémoire de sa famille. L’hypothèse Bartkowski, basée sur les
aveux d’un seul homme, qui plus est se sachant condamné pour
quinze années de prison, est troublante. Mais cela ressemble
aux aveux d’une personne qui cherche à alléger sa peine en
offrant des révélations sur un plateau. On a vu la même
chose très récemment…